Cette fois, vraiment aucun autre choix que celui-ci. Je n’ai qu’un prénom en « Z » et c’est Zéphyrin.

Zéphyrin est né le 11 juillet 1873, 28 rue Bugeaud dans le 6^ème arrondissement de Lyon.

L’article pourrait s’arrêter là car voilà tout ce que je sais de la vie de Zéphyrin. Je ne sais pas s’il s’est marié, je ne sais pas quand est-ce qu’il est mort, je ne connais pas le métier qu’il a pratiqué s’il a vécu assez longtemps. Bref, je ne sais rien.

Seulement ce n’est pas vrai du tout. Si je reste focalisée sur sa « fiche », effectivement je vois plutôt du vide. Mais si je fais le bilan de mes recherches le concernant, je me rends compte que je sais énormément de choses. Certes, je ne sais pas où et quand il est décédé (puisque c’est le seul autre événement dont je suis sûre de l’existence) mais savoir qu’il n’est pas mort à tel endroit et/ou à telle date, c’est savoir quelque chose (oui, je sais, en généalogie j’ai tendance à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide…). Alors pour une fois, je vais vous expliquer ce que je ne sais pas. Et pour cela, je vais essayer de vous raconter mon périple de 24 heures seulement pour retrouver Zéphyrin.

• Je ne sais pas pourquoi il ne figure pas dans les tables alphabétiques des recensements militaires du Rhône pour les classes 1892, 1893, 1894 : s’il ne figure pas dans ces listes, alors que ses parents vivaient à Lyon, c’est peut-être qu’il est décédé avant ; je décide donc de vérifier sa présence dans les recensements ;

• Je ne sais pas pourquoi il n’était pas présent au recensement de 1876 avec ses parents et sa sœur Françoise Félicité (3 ans) : à ce moment-là, j’ai supposé qu’il était décédé en bas âge, j’ai donc cherché si je le trouvais dans les tables décennales de 1873-1882 de son arrondissement de naissance puis des cinq autres (il n’y en avait que six à Lyon à cette époque) et même à Villeurbanne mais j’ai fait chou blanc, pas de Zéphyrin ;

• Je ne sais pas pourquoi je ne le retrouve dans aucun recensement postérieur à sa naissance puisqu’il n’est à priori pas mort jeune : mais en 1896 je trouve avec ses parents et sa sœur « Félicie » un certain Michel, 19 ans, manœuvre ; soit c’est lui mais il n’a pas le bon âge ni le bon prénom, soit c’est un frère ; je retrouve la naissance de ce Michel dans les registres de l’état civil, c’est bien son frère, né en 1877 ;

• Je ne sais pas pourquoi ce Michel ne figure pas non plus sur les autres recensements : je cherche sa fiche matricule pour être sûre de son existence, la date de naissance correspond bien au Michel que j’ai trouvé ; il a été condamné deux fois en 1898 pour vagabondage et « filouterie » et s’est engagé ensuite dans l’armée ; il est mort à l’hôpital de Suez, en Égypte, en 1901 ; mais alors pourquoi il ne figurait pas dans les recensements avant ses 19 ans ?! Je fais la supposition que Michel et Zéphyrin ont pu être élevés par de la famille de leurs parents, il faut donc que je reconstitue la famille de son père (celle de sa mère je la connais puisqu’elle est issue d’une branche de ma famille) ;

• Je ne sais pas pourquoi je ne le retrouve dans aucun recensement de sa famille : je vous passe les détails de recherche dans l’état civil pour reconstituer sa plus proche famille ; en résumé il a deux tantes maternelles, elles sont toutes les deux veuves quand Zéphyrin est né, ce n’est pas l’idéal pour élever une jeune garçon, voire même deux, mais de toute façon pas de trace des petits dans les recensements de cette famille ; du côté paternel, j’ai pu retrouver une tante et trois oncles, trois d’entre eux se sont mariés et j’ai retrouvé la trace de certains d’entre eux (les mariages, quelques recensements, des décès) mais toujours aucune trace de Zéphyrin ou Michel ;

• Je ne sais pas pourquoi je ne le retrouve dans aucune tables alphabétiques de recrutement militaire des départements limitrophes puisqu’à priori il n’est pas mort avant ses vingt ans : en effet, puisque je ne le retrouve pas dans les décès, je fais l’hypothèse qu’il est toujours en vie à ses vingt ans, comme son frère ; Michel ayant été condamné par les tribunaux de Roanne et de Villefranche, je me dis que Zéphyrin a très bien pu « voyager » lui aussi dans la Loire ou dans un département proche, peut-être avaient-ils de la famille dans les environs, mais je ne le retrouve pas non plus ;

• Je ne sais pas pourquoi je ne le retrouve pas dans d’autres documents tels que les hypothèques s’il est vivant : j’ai cherché un peu dans toutes les sources disponibles sur internet comme les enfants abandonnés ou même les hypothèques ; pas de trace de lui dans les registres des enfants abandonnés ; j’ai trouvé son père et sa sœur dans les registres des hypothèques, mais toujours pas de trace de Zéphyrin ;

• Je ne sais pas pourquoi je ne le trouve pas dans les convois funéraires de Lyon ou dans les tables décennales de décès de Lyon ou Villeurbanne s’il est mort : ici, mes recherches sont lacunaires car il n’y a pas de table alphabétique annuelle avant 1909 et je vous avoue que je n’avais pas envie de parcourir tous les registres depuis 1873, page par page ; mais il n’y est pas entre 1909 et 1936 ; il n’est d’ailleurs pas non plus indexé sur le site cimetieres-de-france.fr.

Mais alors je sais quoi ? Me reste-t-il des pistes ?

Je sais qu’il n’est pas mort à Lyon ni à Villeurbanne entre 1873 et 1932. Je sais qu’il n’a pas été recensé militairement pour les classes 1892, 1893 et 1894 dans le Rhône, l’Ain, l’Ardèche, la Haute-Savoie (son grand-père est originaire de ce département) ou la Loire. Je sais qu’il n’a pas vendu de bien ou contracté d’hypothèques sur Lyon. Je sais qu’il n’a pas vécu avec ses parents dans sa jeunesse ou même plus tard, ni avec aucun autre membre de sa famille. Je sais qu’il n’a pas été abandonné. Ça fait beaucoup de choses finalement !

Il me reste la piste des condamnations de son frère où je pourrais peut-être trouver un indice ; la succession de son père puisqu’il a survécu à sa femme (mais je ne sais pas encore quand est-ce qu’il est décédé) ; peut-être que des actes notariés liés à sa sœur pourrait également m’aider (elle a vendu un bien en 1903 notamment) ; les convois funéraires entre 1873 et 1909 aussi, le jour où j’aurais assez de courage ; et j’en oublie sûrement. Tout n’est donc pas perdu pour retrouver le petit Zéphyrin !