Il ne sera pas question ici d’empereur mais du second mari d’une cousine (très) éloignée.
Napoléon est un prénom très populaire en Corse et d’autant plus après l’arrivée au pouvoir de Napoléon Ier. Ceci s’explique notamment par le fait que la Corse était, avant son annexion par la France, sous l’influence de la culture italienne puisque c’était une possession génoise. Aujourd’hui c’est un prénom rarement, voire très rarement, attribué. Il existe une version féminine, Napoléone.
Le Napoléon Louis qui nous intéresse est, je vous le donne en mille, corse (c’est le seul de ma généalogie). Il est né dans le petit village de Porri en 1862. Vous connaissez peut-être ce village si vous vous intéressez à l’histoire de la seconde guerre mondiale. C’est là-bas que s’est organisée les 2, 3 et 4 mai 1943 une conférence réunissant 25 représentants communistes corses pour préparer le soulèvement de l’ile contre ses occupants italiens et allemands. C’est aussi dans une grotte proche qu’ont été imprimé clandestinement des dizaines de milliers de tracts et journaux à cette même période.
Les archives départementales de Haute-Corse en ligne étant ce qu’elles sont… difficile de trouver plus d’informations sur son enfance, sa jeunesse ou même son service militaire. Cela dit par le biais des relevés Geneanet, j’ai pu trouver qu’il s’est marié une première fois à Faustine, en 1887. Cette information est confirmée par les tables décennales du village de Ficaja. On retrouve cependant le couple dès 1896 à Saint-Jean-d’Ardières, près de Belleville, dans le Rhône, à 750 km de son village natal ! Cela peut peut-être s’expliquer par le fait qu’il est employé aux chemins de fer P.L.M. (Paris Lyon Méditerranée) car il a pu être muté là où il y avait du travail. Mais ce n’est peut-être pas du tout pour ça, qui sait.
Toujours est-il que d’après les recensements, ils vivent seuls jusqu’à la mort de Faustine, en 1914. Parfois, les recensements nous aiguillent beaucoup pour trouver une date ou un lieu de naissance. Mais ici, il ne faut pas vraiment s’y fier. Premièrement sur les lieux de naissance : en 1906 et 1911 sont indiqués les villes où sont nés Napoléon et Faustine. Respectivement « Zaglio » et « Taglio » pour le mari et « Ficaye » et « Ezao » pour l’épouse. Faustine est née, d’après mes recherches, à Ficaja, alors autant pour le premier, pourquoi pas, autant pour le deuxième, pas facile de faire le lien. Pour Napoléon, il est né pour rappel à Porri. Pas beaucoup de rapport non plus. J’imagine ce couple donnant les informations au recenseur avec leur accent corse et l’agent essayer de transcrire correctement ce qu’il entend… Mais ce n’est pas tout, nous ne pouvons pas non plus nous fier à l’âge de Faustine. Tour à tour elle a 38 ans en 1896, 49 seulement cinq ans plus tard puis elle est née en 1842 ou bien était-ce en 1853 ?! D’après son acte de décès, elle est morte à 79 ans. Elle serait donc née en 1835. Ce que confirme le relevé Geneanet et les tables décennales de Ficaja. Napoléon et sa première femme avait donc à priori 27 ans d’écart. Autant de différence d’âge, et « dans ce sens », ça ne devait pas être courant. Avaient-ils honte de l’âge de Faustine qu’ils ne donnaient pas le bon ou alors était-ce le recenseur qui ne cautionnait pas cette différence ?
De nouveau célibataire, Napoléon ne se laisse pas aller et se remarie avec Marie Antoinette, ma lointaine cousine, en 1916. Elle aussi était veuve et sa fille était déjà mariée. Mais ce mariage durera à peine un an car ils divorcent en 1917. Notez qu’avec des prénoms pareils, l’union ne pouvait pas fonctionner (#humourhistorique). Ils n’ont pas non plus eu d’enfants ensemble (il aurait fallu faire vite). D’après la transcription trouvée sur le registre des mariages de 1918 à Belleville (où ils habitaient), le divorce a été prononcé « aux torts et griefs du mari » et Napoléon a été condamné « en tous les dépens » (c’est-à-dire à tout payer). Je me suis forcément poser des questions sur le divorce : était-il fréquent à cette époque ? Pouvait-on facilement divorcer ? Depuis quand était-ce autorisé ? Je n’ai pas pu répondre à toutes les questions mais je vous livre ici un résumé de mes recherches.
Les Romains, apparemment, divorçaient couramment. Ce n’est qu’au XIème siècle que l’Église imposa sa norme et au XVIème que le mariage devient indissoluble et donc que le divorce est interdit. Mais les humanistes et la Révolution passent par là et il est de nouveau autorisé en 1792 car le mariage, par la Constitution de 1791, est devenu un contrat civil. Cette loi est critiquée car, selon ces détracteurs, trop libérale. Le code civil de 1804 remet donc de l’ordre et n’autorise que le divorce à la faute. Puis la Restauration interdit de nouveau le divorce en 1816 qu’elle qualifie de « poison révolutionnaire ». Il n’est réautorisé que 68 ans plus tard, en 1884. La loi Naquet cadre les conditions précises de divorce. Les époux pourront divorcer si l’un d’eux commet l’une (ou plusieurs) des fautes suivantes : adultère, condamnation à une peine afflictive et infamante, excès, sévices et injures graves. Ce n’est que depuis 1975 que l’on peut divorcer par consentement mutuel.
Napoléon est donc divorcé et à nouveau célibataire. Cela ne durera pas car il se marie pour la troisième fois (d’après les tables décennales) avec une certaine Philiberte en 1920… La suite, malheureusement, je ne la connais pas. Va-t-il divorcer une deuxième fois ? Sera-t-il veuf ? Ou bien est-ce elle qui sera veuve ? Dès que les actes seront en ligne, je me lance dans de nouvelles recherches.
Source pour l’histoire des divorces : http://www.justice.gouv.fr/histoire-et-patrimoine-10050/proces-historiques-10411/quand-le-divorce-etait-interdit-1816-1884-22402.html