Émile est Ardéchois. C’est un cousin éloigné côté maternel. Il s’est marié avec Octavie en 1913 à Paris. En généalogie, on a l’habitude de trouver les actes de mariage dans la ville où habite la future épouse et donc souvent la ville où elle est née vu le peu de mouvement des personnes comparé à nos jours. Octavie, selon ce principe, serait donc de Paris. Une parisienne dans ma généalogie !?!
Oui mais voilà, on est à la capitale et à Paris, on ne fait pas comme tout le monde. Octavie habite Paris mais n’y est pas née. Et ça c’est leur acte de mariage qui me l’apprend car jusque-là je n’avais que la date qui figurait sur l’acte de naissance d’Émile.
Octavie est en fait née en 1883 à Dijon de parents marchands de sable originaires de Haute-Saône. Sûrement est-elle « montée » à Paris pour le travail, ou était-ce un de ses rêves, vivre dans la capitale. Toujours est-il qu’elle se marie là-bas à 30 ans en présence de ses parents. Au moment de son mariage elle est femme de chambre et demeure au 6 rue Beautreillis dans le 4ème arrondissement, dans le quartier du Marais. Or si on regarde ce qui se trouve aujourd’hui à cette adresse, on tombe sur les vestiges (un portail principalement) de l’hôtel Raoul. Cet hôtel particulier aurait été construit au XVIIème siècle par un ministre d’Henri IV. Jean-Louis Raoul, fabricant de limes, le rachète en 1810. Il reste dans la famille de l’industriel jusqu’à sa destruction en 1960 (le portail leur appartient d’ailleurs toujours même si d’après plusieurs articles de journaux ils aimeraient bien le revendre voire le démolir pour ne pas avoir à payer sa restauration). Mais au moins depuis le milieu du XIXème logent également dans l’hôtel particulier d’autres personnes que la famille des propriétaires. Il m’est donc impossible de vous dire si Octavie logeait simplement à cette adresse ou si elle y travaillait également.
Je n’ai pas trouvé d’enfants (ni dans les tables décennales ni dans les recensements) au couple Octavie-Émile, mais la première guerre mondiale y est peut-être pour quelque chose. En effet, seulement seize mois après leur mariage Émile part pour le front et ne reviendra que quatre ans plus tard, blessé à la main droite par un éclat d’obus deux ans plus tôt. Même s’il revient avec la croix de guerre (étoile de bronze) c’est certainement une maigre compensation par rapport à sa longue absence et sa blessure. Surtout qu’Émile est boulanger alors il en a besoin de sa main. Au cours de sa vie il changera d’ailleurs plusieurs fois de métier tout en restant dans la même « branche » : en 1926 il est marchand de biscuits et en 1931 il est ouvrier biscottier.
Octavie et Émile ont beaucoup déménagé et il est difficile de les suivre. Heureusement, il y a plusieurs sources qui nous aide : leur acte de mariage et le registre matricule d’Émile qui ne comporte pas moins de cinq adresses précises ainsi qu’une condamnation (avec le département du tribunal). Petit résumé de leur itinérance :
- 1913, Octavie habite seule au 6 rue Beautreillis (source : acte de mariage) ;
- 1922, le couple habitent St-Maur (dans le département actuel du Val-de-Marne) au 45 rue de l’Ermitage (source : registre matricule) ;
- 1926, ils habitent 94 rue Aubervilliers, Paris 19ème (source : recensement) ;
- 1929, idem (source : registre matricule) ;
- 1931, idem (source : recensement) ;
- 1934, condamnation par le tribunal correctionnel du département de la Seine (ancien département partagé en 1968 entre Paris, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne).
Je vous rassure, rien de très grave concernant la condamnation d’Émile (enfin tout est relatif) puisque son délit est d’avoir employé une « ouvrière étrangère non munie de la carte de travailleur ». On apprend d’ailleurs au détour de cette information qu’il est désormais son propre patron.
Puis, je perds la trace d’Octavie et Émile jusqu’à leurs décès respectifs : Émile décède le premier, en 1971 à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) ; puis c’est le tour d’Octavie, en 1972 à Dole (Jura).
Où ont-ils vécu pendant toutes ces années ? Ont-ils été propriétaires d’un magasin ? Octavie aidait-elle son mari (dans les recensements aucune profession n’est inscrite pour elle) ? Mystère.