Ce qui m’a amené à choisir Thérèse plutôt qu’un(e) autre, c’est un de ces métiers que je trouve particulièrement poétique, allez savoir pourquoi. Reprenons les choses dans l’ordre.
Thérèse est née en 1833 à Vénissieux (Rhône), de Jean et Magdelaine. Elle est la sixième de la fratrie (sur huit au total) et fera partie des quatre qui auront la chance de survivre.
Elle se marie une première fois avec Jacques à seulement 17 ans. Elle est, à ce moment-là, cultivatrice, certainement avec ses parents. En 1856, le couple habite au 12 rue de la Madeleine, à Lyon. Jacques est poëlier et aucune profession n’est inscrite pour Thérèse. Un ouvrier poëlier, François, demeure avec eux.
Sa mère décède en 1860 et son père en 1868. Elle hérite à cette occasion d’un quart d’un terrain situé à Saint-Fons (qui n’était pas encore constituée en commune). Mais en 1871, c’est son mari qui meurt. Ils habitent à cette date au 46 rue de la Madeleine à Lyon et c’est le cousin de Jacques qui déclare le décès à la mairie. Ce cousin s’appelle Jean, il habite au 32 grande rue de la Guillotière, il est marié, et surtout, il est marchand de parapluies.
Le 20 avril 1874, Thérèse vend à son frère Jean-Marie sa parcelle pour la somme de 280 francs. D’ailleurs, son autre frère, André, vend également sa parcelle à leur frère qui est restaurateur à Lyon. Dans l’acte de vente passé chez le notaire, on apprend que Thérèse, veuve, habite au 32 grande rue de la Guillotière et qu’elle est ouvrière en parapluie. Cela vous rappelle quelque chose ? Le cousin de son défunt mari l’aurait-elle hébergé quelques temps ? Lui aurait-il donné un travail pour qu’elle s’en sorte ? Mais en quoi ça consiste « ouvrière en parapluie » ? Un parapluie c’est, si on simplifie grossièrement, une carcasse et une couverture. Souvent c’étaient les hommes qui s’occupaient de couper et de monter la structure à l’usine. Les femmes, elles, pouvaient travailler depuis chez elles puisqu’elles s’occupaient d’assembler la couverture et de la fixer sur la carcasse. À la Guillotière, en 1851, on estime à 530 le nombre d’ouvriers en parapluies des deux sexes (d’après Yves Lequin Les ouvriers de la région lyonnaise 1848-1914, La formation de la classe ouvrière régionale). Ouvrière en parapluie… j’adore ce métier, cette « expression » ! Je l’imagine assemblant ses petits parapluies, chez elle, et les ramenant à l’usine pour être payée.
Mais seulement quelques jours plus tard, le 9 mai, elle se remarie avec Joseph. Sur l’acte de mariage elle est dite couturière. Je suppose qu’elle n’a pas changé de métier en vingt jours et il fallait bien coudre pour assembler la couverture du parapluie. Dans les recensements suivants, elle est inscrite comme lingère en 1881, couturière en 1886 et 1891, et enfin corsetière en 1896. Finalement, elle est toujours restée dans la même branche si je puis dire. Joseph et Thérèse se sont rapidement fixés au 80 rue du Sacré-Cœur (devenu ensuite le 236 rue Paul Bert), à Lyon (au moins depuis 1881) et ce jusqu’à leurs décès respectifs : 1903 pour Thérèse et 1904 pour Joseph. Au moment de son décès, Thérèse est sans profession. Il faut dire qu’elle a presque 70 ans, elle aura donc bien mérité sa retraite.